Aujourd'hui, nous partons à la rencontre de Valentine et Théo, un jeune couple venu de métropole pour découvrir les merveilles de l'île de La Réunion autrement grâce au woofing.
Le woofing est un mode de voyage alternatif, qui permet de vivre une expérience unique en travaillant dans une ferme ou une exploitation agricole en échange de l’hébergement et des repas.
Pendant un mois et demi, ces deux passionnés de nature ont été accueillis chez Johan à La Fontaine Aromatique, une distillerie artisanale d'huiles essentielles située sur les hauteurs de Saint-Leu.
À travers leur témoignage, nous allons découvrir leur histoire ainsi que leur retour d'expérience en tant que woofers dans l'ouest de La Réunion.
Découverte.
Théo : J'ai un ami d'enfance qui habite ici, donc c'était l'occasion de venir le voir. On savait que le marché de l'immobilier à La Réunion était tendu et qu'il était difficile de se loger.
On avait déjà expérimenté le woofing dans d’autres pays comme la Nouvelle Zélande, et on s'est dit que ça pouvait être une bonne idée pour apprendre un nouveau métier, découvrir la culture locale, tout en ne devant pas dépenser un énorme budget pour le loyer.
Valentine : J'ai trouvé la Fontaine Aromatique sur wwoof.fr, un site qui recense les différents lieux à travers le monde. Sur le site ont peut voir les retours de ceux qui ont déjà wooffé, et la Fontaine Aromatique fait partie des meilleurs woofing de La Réunion, il y a de super retours. Et puis la présentation du lieu, l’alambic centenaire sur sa parcelle… On sentait que ça allait bien !
Théo : Non, mais on a eu un peu de chance. Johan cherchait deux personnes à ce moment-là, et on avait déjà une première expérience dans l'agriculture. C'était un avantage par rapport à ses besoins.
On lui a envoyé un message, il nous a répondu assez rapidement "est-ce que vous pouvez être là dans deux jours?" : on a dit oui !
Valentine : On a vraiment eu de la chance qu'à ce moment-là, il ait besoin de woofer. En général, les gens ici restent plusieurs semaines, voire plusieurs mois, donc les places sont chères.
Et à savoir que pour l'instant il n'y a que quatorze woofing à La Réunion qui sont répertoriés sur le site Wwoof.fr. Ce qui est bien, c'est qu'ils sont en train aussi de développer des pages Facebook pour le woofing où l'agrément biologique n'est pas forcément nécessaire pour proposer une expérience.
Valentine : surtout dans l'arboriculture, avec de la cueillette et un peu de maraîchage bio.
Théo : Moi j'ai fait de la lavande aussi en métropole, et puis de la cueillette d'à peu près tous les fruits qui se faisaient dans la région.
Théo et Valentine : Du désherbage, du débroussaillage, on a récolté des essences (des arbres) avec Johan. Des gens l'appellent pour aller tailler un arbre sur leur propriété, et on récupère les branches pour la distillation.
On a beaucoup distillé justement. On s'est servi de l'alambic, donc on l'a rempli, vidé, puis nettoyé.
On a utilisé le broyeur, ramassé du bois, des pierres, fait du paillage pour entretenir la parcelle qui est en dessous.
Des tâches très variées, comme mettre en bouteille les huiles, faire de l'étiquetage, ou juste rester sur l'ordinateur pour créer un parcours de visite libre.
En un mois et demi, on a vraiment eu un aperçu complet du métier et du processus : de la bouture de géranium en passant par la distillation jusqu'à la mise en pot.
Théo : On est nourris, logés et blanchis. On travaille du mardi au vendredi de 8 h à 12 h. Chaque midi, Johan va chercher des barquettes chez Bibi dans le centre de Saint-Leu. Il nous donne un peu d'argent pour faire des courses pour le repas du soir. Pour dormir, on a une petite hutte au milieu des arbres.
Valentine : Quand on fait du woofing chez Johan, oui. (rire). Mais je ne pense pas que ce soit pareil partout. Nous avons vu plusieurs annonces de woofing et souvent, les horaires ne sont pas clairs, il n'y a pas de temps de pause, etc. Même Johan ne le dit pas forcément dans son annonce.
Théo : Ce qui est bien ici à la Fontaine Aromatique, c'est qu'en plus des après-midi de repos, on a trois jours de week-end : samedi, dimanche et lundi. Cela nous a permis d'aller trois jours à Mafate en bivouac, par exemple.
Théo : On n'a pas de voiture, donc on est un peu dépendants du bus. On profite pas mal du calme du lieu, on va à la plage quelquefois.
Théo : Un peu, mais pas tant que ça non plus, car nous avons eu de la chance, ici chez Johan, il y a d'anciens woofers qui habitent dans une autre petite hutte à côté et qui nous ont pas mal trimballés.
Nous avons également passé un week-end à Cilaos, on s’y est rendu assez facilement en bus. Nous sommes incollables sur les bus de La Réunion maintenant.
Et puis nous avons fait du stop, ça marche assez bien ici. Ce n'est pas si handicapant qu'on voudrait le croire de ne pas avoir de voiture à La Réunion. Ce qui limite, ce sont les horaires, le soir après 18 heures, il n'y a plus rien.
Valentine : Personnellement, j'ai beaucoup appris sur la flore locale, endémique, ou invasive. J'ai bien aimé surtout apprendre le nom des espèces en créole, je trouve que les mots sont très savoureux.
Théo : On a appris le processus de distillation de A à Z, c’est fascinant !
J'ai beaucoup aimé la solidarité qu'il y a entre les "gens de la terre" à La Réunion. Ils n'hésitent pas à s'appeler pour dire "moi j'ai tel arbre dans mon jardin, je sais que ça peut intéresser". J'ai été très touché par ce sens du partage.
Valentine : Puis aussi on a appris les vertus de chaque plante aromatique de La Réunion. C'est aussi formateur qu'un stage en aromathérapie. A chaque fois que tu distilles une huile, tu imprimes et retiens encore plus facilement ses bienfaits. Une fois qu'on a fait une distillation, souvent Johan nous offre une fiole d'huile, ou une grosse bouteille d'hydrolat.
Théo : On a appris qu'on pouvait faire un anti-moustique qui fonctionne avec juste des produits naturels. Pas besoin de mettre plein de produits chimiques dedans.
Théo : La beauté naturelle du lieu, la nature.
Valentine : Ce que nous recherchions également, c'était la possibilité de s'installer quelque part et de s'intégrer directement, d'avoir un rythme, un peu comme les locaux. C'est ce qui est intéressant dans le voyage, vivre comme les gens du coin.
En général, les agriculteurs sont des amoureux de la nature, donc ils sont tous très respectueux de l'endroit et créent un petit bout de paradis. Nous allons chercher nos petites brochettes de poulet un peu plus bas. Nous discutons avec le monsieur, car il sait que nous travaillons ici et cela facilite l'intégration.
Théo : Ma rencontre avec Paulo du Jardin de Paulo. Nous sommes d'abord allés chez lui pour récupérer un cannelier. Son jardin personnel est magnifique, il y avait même un endormi dans un arbre, des carpes koï dans un bassin, d'énormes tortues dans son jardin. C'était super ! Ensuite, nous sommes allés O Jardin de Paulo pour récupérer un autre cannelier. La rencontre avec ce personnage a été très belle. Il est généreux, très attachant, et n'hésite pas à partager.
Valentine : Les moments qui m'ont marqué, c'est quand nous nous déplacions pour aller chercher des arbres chez quelqu'un. Les rencontres privilégiées, où nous avons découvert des lieux pas forcément connus des autres.
Valentine : Sur l'expérience non. Juste qu'il faut être en bonne condition physique, pouvoir supporter la chaleur. Il faut quand même avoir une petite sensibilité pour le végétal. Si vous venez juste pour avoir votre logement et votre nourriture payés et que vous n'avez aucune sensibilité pour ce que vous faites, cela ne fonctionnera pas.
Valentine : Oh oui ! Nous avions déjà un projet en revenant en métropole de reprendre ma maison d'enfance en Ardèche. Et là, cette expérience nous a amenés à réfléchir au type d'exploitation que nous pourrions faire sur le terrain, quelles plantes, quels arbres nous pourrions mettre.
Outre le fait d'avoir une activité agricole, c'est vraiment créer un havre de paix comme ici, propice à ce que les oiseaux viennent. Puis créer aussi quelque part une espèce d'indépendance énergétique, afin de pouvoir vivre sans avoir besoin de trop consommer.
Ici, nous sommes avec des toilettes sèches, nous avons l'eau agricole pour la douche. Mais voir cette expérience, cela donne aussi envie de consommer un peu moins. Tu réalise que c'est possible d'avoir moins d'impact sur l'environnement. Et c'est inspirant.
Théo : Ici, c'est Johan qui a tout fait lui-même. Il a monté des cabanes en deux semaines, tout seul. Et du coup, quand tu entends ça, tu te dis oui, moi aussi je peux le faire, c'est motivant.
Nous nous rendons compte que c'est possible de faire cela rapidement et sans forcément avoir des moyens importants. Cela donne encore plus envie, de se rendre compte que c'est réalisable.
Valentine et Théo : Oui, oui, complètement à 200 %.
Valentine : Choisir un woofing adapté à ses capacités physiques. Une personne qui craint le soleil, il vaut mieux qu'elle ne tente pas un woofing ici, je pense.
Je pense que de toute façon, il faut être honnête avec ce que l'on peut ou ce que l'on ne peut pas faire, histoire de ne pas se retrouver complètement harassé sous le soleil.
Johan est le premier à nous dire "faites des pauses, il fait chaud, mettez-vous à l'ombre". Et avant tout, il faut être motivé et volontaire. Il ne faut pas se dire "je ne veux pas payer le loyer pendant un mois et je vais un peu travailler sans trop travailler".
Nous avons de la chance, nous sommes tombés sur l'un des meilleurs woofing de l'île. Mais je pense qu'il peut être intéressant de tester d'abord une semaine et éventuellement de se dire "moi, je suis OK pour rester plus ou pas". C’est d’ailleurs ce que nous avons fait.
Théo : J'ai envie de dire qu'il ne faut pas hésiter à postuler sur des missions comme de woofing, c'est vraiment enrichissant. Même si vous êtes déjà habitant de l'île, il n'y a pas forcément besoin d'être vacancier ou de venir en voyage pour le faire, cela peut aussi permettre à plein de gens de redécouvrir leur territoire.
Valentine : Vous pouvez partir en voyage chez vous comme ça avec le woofing, vraiment !
Interview et photos : Roxane @ Studio Happei - Non libre de droits